Bernadette BENNE (COURCHINOUX)

Seule carte connue de ST-HILAIRE-LES-BESSONIES éditée avant 1947, date à laquelle la commune des BESSONIES a été créée.

Bernadette BENNE a 20 ans

Le 20 mai 2020 Bernadette COURCHINOUX a eu 100 ans

Association Saint-Hilaire Mémoire & Patrimoine

Recueil offert par la municipalité de Saint-Hilaire à tous les habitants de la commune.

Ne peut être vendu. Tous droits de reproduction réservés

I. Ma jeunesse

Je suis née aux Rousties commune de ST–HILAIRE le 20 Mai 1920.

Quelques images me reviennent de mon enfance. Aux Rousties je me rappelle que le bélier me faisait tomber et une fois par terre, il me laissait tranquille !

Je descendais à pieds pour aller des Rousties à l’école située dans le bourg, il faisait nuit les matins d’hiver quand je partais et noir les soirs en rentrant cela faisait 7 kms aller et retour. Je me souviens que nous faisions le chemin avec Marcelle VERMANDE et Louis CANET.

Tous les trois nous portions des sabots fourrés avec du foin, d’autres de familles plus aisées, portaient des galoches qui avaient des semelles en bois et des dessus en cuir le tout relié par des lanières.

A l’école, notre repas du midi consistait en une soupe et une tartine de confiture.

Notre Institutrice était Mlle CRILLE.

J’ai eu mon certificat d’études en 1932 avec la mention « Bien ».

II. Battages

Après le certificat d’études, j’ai été au Collège à MAURS, j’y apprenais la couture, la cuisine, pendant un an.

Je suis ensuite retournée aux Rousties où l’on avait besoin de nous. Il y avait aussi ma Sœur CLEMENCE et mon Frère MARIUS.

CLEMENCE ma Sœur épousera AMEDEE le Frère de Germain mon futur Epoux, les deux Sœurs nous avons donc épousé les deux Frères !

Je me rappelle des battages de blé à cette époque, iI y avait comme Entrepreneur qui venait chez nous, Monsieur MONCANY de Maldès de LAURESSES qui ensuite a été remplacé par Roger BONIS de Liffernet. Ces battages mobilisaient du monde.

III. La guerre

Pendant la guerre, les Femmes remplaçaient les Hommes mobilisés ce qui était le cas de mon Frère MARIUS.

Aussi, j’aidais ma Mère JULIE à labourer comme vous pourrez le constater sur cette photo que je conserve précieusement et qui est reproduite ci –après.

Pendant la guerre aux ROUSTIES, on fauchait à la main et nous avions dû faire appel à deux journaliers Monsieur CAMBON et Monsieur LOUDES du PUECHBERTAL de LAURESSES.

Il est à noter que Mon Frère MARIUS que ce soit avant la guerre, comme après, allait se louer en AUVERGNE pour la période des foins, de nombreuses personnes du SEGALA agissaient ainsi, les faucheurs de cette région étaient réputés, bien rétribués, ce qui arrangeait tout le monde en cette période particulièrement difficile.

A son retour de captivité mon Frère Marius me raconta un fait émouvant. Il avait été libéré par les Russes et les prisonniers libérés embarquaient au bord de la Mer Noire en RUSSIE au port d’ODESSA. Il était de tradition que les prisonniers libérés gravent leurs noms sur des poutres en bois le long du port.

Quelle ne fut pas sa stupéfaction lorsque MARIUS mon Frère vit graver sur un poteau le nom de Armand LAVERGNE de BALAYSSAC qui lui aussi avait embarqué là !

D’ailleurs AMEDEE mon Beau-Frère nous a raconté un triste épisode de cette période qui aurait pu tourner au drame.

AMEDEE était Facteur à FIGEAC lorsqu’en rentrant de tournée il avait essuyé des coups de feu tirés par les Allemands, il s’en est sorti par miracle en se jetant dans un fourré à proximité.

J’ai un terrible souvenir de cette période : pendant les travaux aux champs, j’ai vu le village de GROSCASSAN se consumer, les Allemands y avaient mis le feu, furieux de ne pas avoir retrouvé une cache d’armes ni le moindre Maquisard ainsi que presque tous les habitants de GROSCASSAN prévenus par les Résistants, ces habitants s’étant enfuis dans les bois.

Je dis presque tous les habitants car dans le hameau étaient restées deux personnes la LEONIE FERRIERE et M. PEZET qui sera arrêté puis relâché.

Hélas ces deux personnes décèderont quelques temps après n’ayant sans doute pas supporté ces terribles épreuves, provoquées par la tristement célèbre division Dass Reich qui la veille s’était rendue coupable d’une rafle à LATRONQUIERE dont des Déportés ne revinrent jamais des camps de concentrations.

Je me suis mariée avec Germain COURCHINOUX en 1947 et mon Epoux m’a raconté par la suite ce qui c’était passé ce même jour de l’incendie du village de Groscassan.

Les Allemands ont rassemblé les habitants du bourg de ST-HILAIRE devant la grange du COULON, tout le monde s’attendait au pire….

Parmi ces habitants, il y avait le Grand – Père COURCHINOUX, un Allemand voulut lui dérober sa bourse, il résista et dit qu’il avait fait la guerre de 14 et même y avait été gazé. Était-ce pour cela ? En tout cas le Grand-Père conserva sa bourse et ce qui est plus important c’est que tout le monde fut libéré, un autre miracle !

Mon Epoux GERMAIN avait quant à lui été prisonnier dans une ferme en Autriche, je vous en reparlerai plus loin.

Pour ma part, comme vous avez pu le lire, en 1940 j’avais 20 ans, avoir 20 ans en période de guerre cela marque toute une vie. Ma génération a été meurtrie par ce drame que je ne souhaite pas ni pour mes petits-enfants ou même arrière-petits enfants ainsi que pour les générations à venir.

Bernadette BENNE au premier rang 4ème à partir de gauche en gilet clair avec des Jeunes de son époque.

IV. Le Coulon

En 1947 je suis donc arrivée au Coulon après mon mariage avec Germain COURCHINOUX.

Il fallait essayer de se remettre de cette guerre, la seule solution était de travailler dur pour espérer s’en sortir. Au Coulon il y avait le Grand-Père COURCHINOUX dont je vous ai parlé pendant la guerre, il gardait les moutons que nous avions soit une vingtaine de bêtes à peu près.

7 vaches composaient notre troupeau de gros bovins, nous élevions des veaux sous la mère que nous vendions au bout de 3 à 4 mois, au cours des foires du coin très nombreuses à savoir LATRONQUIERE GORSES MAURS. On élevait aussi des poules que l’on vendait à MAURS. On prenait le car au lieu-dit LAVITARELLE pour y aller.

Je me rappelle qu’il y avait une personne handicapée qui portait ses paniers d’œufs sur la tête.

On tirait l’eau des puits qu’il y avait dans chaque village, aussi bien aux ROUSTIES, qu’au COULON.

L’eau était un bien précieux et l’on cherchait à l’économiser !

Le linge était lavé dans les marres des prés ou aux ruisseaux.

Des habitants de certains hameaux avaient construits des lavoirs communs.

On se rendait au MOULIN DE LIFFERNET pour moudre le grain et faire la farine pour le pain, ou bien pour moudre et faire de l’aliment pour le bétail. C’était le couple VERMANDE qui tenait ce moulin.

Il est à noter que la Commune de ST-HILAIRE-LES-BESSONIES comptait au début du 20ème Siècle 5 moulins !

Une activité importante dont je me rappelle était la cuisson du pain.

Germain mon Mari faisait le pain tous les quinze jours, j’en profitais pour faire un far (à base de farine de blé noir, certaines personnes y ajoutaient des pruneaux. Gilbert notre Fils disposait d’un pain pour lui, il était privilégié !

Comme on le voit sur la photo, notre four est muni d’un étage où l’on pouvait faire sécher les châtaignes et au-devant du four côte droit, il y a l’emplacement où l’on faisait cuire la nourriture des porcs.

Lorsqu’on tuait le cochon, c’était un moment important pour nous. Dans le cochon rien ne se perdait !

Marinette LANCELOT du BASTIT venait nous aider, Paulette MONTEIL gardait nos quatre enfants, Ginette, Michèle, Guy et Gilbert.

Il y avait au moins trois jours de travail et d’attente car la viande devait se cailler, il fallait laver les boyaux du cochon pour faire les boudins et les saucissons et la saucisse.

II est à noter que notre tueur de cochon était Monsieur VERMANDE des ROUSTIES.

Germain mon Mari a été Maire de ST-HILAIRE de 1956 à 1977, l’après- guerre a été marquée par une forte volonté de s’en sortir, cette même volonté s’est retrouvée dans le développement des équipements collectifs des communes.

Il y a eu à ST-HILAIRE l’inauguration du relais TDF par Monsieur Georges POMPIDOU alors Premier Ministre, l’eau à l’école, la première cabine téléphonique dans le village chez Madame VERMANDE qui tenait aussi un café restaurant, les premiers goudronnages des chemins d’accès aux villages.

Mais il y a un épisode fameux dont je me souviens encore ; Monseigneur CHEVRIER Evêque du Diocèse était venu à notre Eglise pour la cérémonie des Confirmations des Jeunes de la paroisse, il s’en est suivi une réception et un vin d’honneur, au cours de ce dernier, Germain mon Epoux entreprit de déboucher les bouteilles de champagne, lorsque en débouchant l’une d’elle, le liquide déborda et arrosa copieusement Monseigneur l’Evêque ! Ainsi l’on peut dire sans être médisant que Monseigneur fut baptisé une seconde fois !

Pour ma part, j’ai été Secrétaire de Mairie de 1968 à 1983. C’était une tâche contraignante mais passionnante.

Contraignante parce que aussi bien pour voir mon Epoux que moi-même les habitants de la Commune venaient au COULON à toute heure. C’était aussi pour parler des périodes d’entraides nécessaires entre les uns et les autres. Mais c’était passionnant parce que, à notre modeste mesure, nous participions tous au formidable effort qu’il a fallu faire après-guerre pour redresser le pays.

En quelque sorte, nous fabriquions un monde nouveau qui sera appelé les « Trente Glorieuses ».

V. Les suites de la guerre

Je vous ai dit précédemment que je vous reparlerai des suites de la guerre.

En effet, GERMAIN mon Epoux, reçut un jour une carte de vœux de son ancienne gardienne en Autriche. En aucune façon il ne voulut lui répondre…

Mais le destin s’en mêla !

J’avais l’un de mes cousins Monsieur BRISSET, qui était marié à une Allemande.

Cette dernière rentre en contact avec l’ancienne gardienne de GERMAIN.

Dans les années 90 soit 45 ans environ après la fin de la guerre, nous eûmes une visite très émouvante au COULON.

Le Fils et la Fille de l’ancienne gardienne de GERMAIN vinrent lui rendre visite, ils avaient fait spécialement le voyage depuis l’Autriche mais ils n’étaient pas seuls : chacun avait un garçon qu’ils avaient tenu à emmener.

Et ce fut un moment très émouvant ; le Fils téléphona à sa Mère en Autriche et GERMAIN accepta de lui parler !

Ainsi prenait fin 45 ans de brouille et venait de survenir la réconciliation grâce à cette Allemande Epouse de notre Cousin !

C’est donc sur un message d’espoir que se termine cette fâcheuse période.

Je souhaite donc à ma petite-fille STEPHANIE, mes quatre petits-fils, SEBASTIEN, GILLES, SYLVAIN, AURELIEN de ne jamais connaitre de guerre ni non plus à mes 9 arrières petits-enfants, ALEXANDRE, CAMILLE, GERMAIN, RAPHAEL et MATHIEU, JULIE et EMELINE, LUNA et THAO de ne pas connaitre non plus un pareil drame dans leurs vies.

Et j’espère pour eux, très entourée par mes quatre enfants GINETTE, MICHELE, GUY et GILBERT, une aussi longue vie que la mienne en bonne santé.

VI. Quelques images du début du 20ème siècle dans l’ancien canton de Latronquière